Dissolutions au sein du DRS.

Voici une courte synthèse des derniers articles de la presse algérienne sur la restructuration du Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS). Tout d’abord la dissolution du Centre de Communication et de Diffusion a été dissous (CCD) a été signalée ces derniers jours. L’information a d’abord été indiquée par le site tsa-algerie le mercredi 30 octobre. Elle a ensuite été rapportée par le quotidien El Khabar le lendemain avec une perspective différente.

Le CCD contrôlait la presse algérienne à travers l’affectation des finacements publicitaires publics. Cette influence des services secrets sur les médias a eu quelques effets néfastes: financement opaque, clientélisme, détournement d’argent vers des publications inconnues, développement de la presse populiste, manipulation dans le cadre de la lutte des clans, etc… C’est désormais le ministère de la communication qui aura la mainmise sur la distribution de ce financement public. Un changement que laissait transparaître la nomination de Abdelkader Messahel comme ministre début septembre dernier (voir Le point sur la structure actuelle du DRS. Première partie).

La volonté des autorités civiles est d’encadrer directement les médias algériens sans passer par le relais du DRS. Le nouveau dispositif semble se construire graduellement. Le ministre Messahel  -lui même ayant eu une double carrière de journaliste et diplomate- a dit récemment :

«Il appartient à la presse de gérer ses problèmes, de s’organiser. Je souhaite qu’il existe une véritable fédération, car nous avons besoin d’un interlocuteur. J’ai une petite expérience de ce qui se passe dans le monde. J’ai été ambassadeur aux Pays-Bas où la corporation des journalistes est très puissante.
C’est elle qui régule, y compris pour la délivrance des cartes de presse. Pour les questions de diffamation et de déontologie, elle est partie prenante.»

Il reste à voir si ces bonnes intentions ne vont pas se traduire par un autre dévoiement : l’autocensure au lieu de la censure, l’autorégulation au lieu de la régulation.

Revenons aux changements dans le DRS tels que vus par l’article du journal El Khabar. Bizarrement, le journaliste Iouanoughene écrit que la dissolution du CCD est la troisième qui touche le DRS. Pourtant, il n’y a que deux dissolutions en tout. Le Service Central de la Police Judiciaire (SCPJ) a été effectivement supprimé (voir Le point sur la structure actuelle du DRS. Deuxième partie), mais la Direction Centrale de la Sécurité de l’Armée (DCSA) n’a pas été dissoute. Elle a été transférée sous l’autorité directe de l’état-major de l’armée. Le CCD serait le troisième service à être impacté par le bouleversement du DRS, et le deuxième à être dissous.

Mais ce ne serait pas le dernier. Toujours selon El Khabar:

« Il est question aussi de la dissolution du service d’habilitation des cadres de l’Etat. C’est le service qui s’occupe des enquêtes administratives et d’autorisations sécuritaires des fonctionnaires d’Etat.
Le directeur de ce service des habilitations, Mohamed Rahmouni, a été muté à la direction des Archives et Synthèses, à la place de Lakhdar Tirèche (lui même placé à la tête de la DCSA).
Mohamed Rahmouni n’a pas été remplacé, ce qui laisse penser que le service sera prochainement dissous aussi.

Autre bizarrerie, les fuites précédentes disaient que Lakhdar Tirèche était l’ancien directeur du Bureau Opération (BO) du DRS. El Khabar le place comme ancien responsable du Bureau Analyse (BA).

Et le même article d’El Khabar atténue de l’importance de ces décisions au sei du DRS. Le journal affirme que les CCD, SCPJ et autre service d’habilitation n’étaient que de simples cellules au début de la présidence d’Abdelaziz Bouteflika. Ces cellules ont été promues au niveau de services et directions par des décrets présidentiels depuis 1999. Leur dissolution ne serait donc qu’un retour à la situation d’origine.

Enfin, toujours selon El Khabar, il y aurait 26 officiers supérieurs du DRS ayant un grade de colonel ou général. Et il indique :

« Dix d’entre eux seront prochainement mis à la retraite. Sachant que le seul ayant été mis à la retraite ces 2 dernières décennies est Abdelkader Kherfi, l’ancien directeur du DSI, remplacé par Bachir Tartag. Ce dernier, en compagnie d’Attafi et de M’henna Djebbar sont parmi les concernés par la mise en retraite dans le prochain mouvement. »

Seulement 26 colonels ou généraux? Cela parait sous-estimé à l’auteur de ce blog. Au delà des inexactitudes divulguées par la presse, l’essentiel est ailleurs. Si cette information se confirmait dans les prochains jours, cela signerait l’arrivée imminente d’une nouvelle génération de responsables au DRS. Des officiers supérieurs dont même le nom est inconnu au grand public.

Baki @7our Mansour

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7 commentaires pour Dissolutions au sein du DRS.

  1. Ping : Le point sur la structure actuelle du DRS. Deuxième partie. | Un regard averti sur l'Algérie et le Monde.

  2. Ping : Le point sur la structure actuelle du DRS. Première partie. | Un regard averti sur l'Algérie et le Monde.

  3. eliamine dit :

    6 au grade de général (3amide) et non de général major (liwa). Pour le grade de major ils sont bien identifié: Attafi, Tireche, Mhenna, Tartague et un corps d’armée (farik) pour Toufik. Pour preuve les nouveaux promus à la tête de la DSI et de la DDSE ne sont que 3amid et non liwa

    • 7our dit :

      Lecture trop rapide de ma part d’un ancien document. Vous avez raison. 6 sont passés dernièrement au grade de général dont Bouzghaia. Un seul est passé au grade de général major, Khemane du GIS. Mais au total, en comptabilisant les colonels, le nombre de 26 officiers supérieurs me semble toujours sous-estimé.

  4. eliamine dit :

    le general Kherfi n’est pas à la retraite il est encore en fonction au sein de la présidence, à vrai dire il traine certaine casserole, mais intouchable du fait de ses relations étroites avec Said Bouteflika. Enfin je doute fort d’une mise à la retraite de Mhenna Djebbar, car pourquoi ne pas l’avoir mis à la retraite suite au changement à la tête de la DCSA comme celà a été le cas avec Attafi qui a été mis à la retraite. Pour moi il est fort probable que Mhenna succèdera à Toufik.
    Le chiffre d’une dizaine de généraux au DRS est tout à fait plausible. Une plus grande discrétion médiatique de ce département ne pourra qu’être bénéfique sur le plan opérationnel.

    • 7our dit :

      Cet article d’El Khabar contenait plusieurs bizarreries/inexactitudes. Et il semble que le journaliste qui l’a produit est en poste aux Etats-Unis!
      Pour M’henna Djebbar, comme je l’ai écrit dans un précédent article, je crois également que c’est celui qui a le plus les faveurs au sein du DRS pour succéder à Toufik. Rien ne dit cependant que Bouteflika va avaliser le choix des responsables du DRS.
      A la dernière vague de promotion, il a été question de 6 passages au grade de général-major au DRS. Ce qui m’a fait douter aussi du nombre limité indiqué par El Khabar.
      Le travail du renseignement doit se faire dans la discrétion. C’est normal et c’est la règle dans tout pays. Mais lorsque l’outil du renseignement devient un acteur principal de la vie politique d’un pays. Il s’expose lui même aux feux médiatiques. Il doit alors choisir entre jouer publiquement ce rôle politique (là certains propos de MC Mesbah me reviennent à l’esprit, propos où il disait que Toufik devait devenir un Youri Andropov algérien) ou se limiter aux prérogatives des services secrets de renseignement. L’expérience prouve que les interférences ne renforcent ni le monde politique, ni la société civile, ni l’administration et les entreprises publiques. Au final, c’est tout le pays qui s’affaiblit.

  5. 7our dit :

    Une intéressante interview du secrétaire général du FLN Amar Saâdani sur le site tsa-algerie ce soir complète la vision des derniers changements au sein du DRS. Il déclare

    « Personnellement, je ne comprends pas pourquoi les militaires sont présents aux APC, dans les différentes administrations, etc. Pourquoi le DRS mène des enquêtes d’habilitation pour les cadres alors que c’est une prérogative de la justice. Est-il normal qu’un citoyen algérien soit interrogé à l’intérieur d’une caserne ? Comment expliquer ces pressions exercées sur la presse à travers la publicité ? Et ce tutorat exercé sur la classe politique ? »

    Véritable porte-parole officieux du candidat Abdelaziz Bouteflika à un quatrième mandat présidentiel, Saâdani donne aussi une indication sur la suite des événements. Il déclare que « Gérer la presse, la justice et la classe politique n’est pas des prérogatives du DRS » et que

    « Aujourd’hui, il est impératif de libérer l’action politique, médiatique et la justice. J’ai bien cité ces trois éléments dans un organe étranger, puisque dans le monde entier une justice libre, une presse forte et une classe politique indépendante sont les trois fondements d’un État civil. Je ne comprends pas pourquoi certains veulent préserver la mainmise du DRS sur ces trois domaines. »

    Si pour la presse, la dissolution du CCD était un préalable nécessaire. La dissolution du SCPJ et du service des habilitations déverrouille la mainmise du DRS sur la justice (l’administration en général) et la vie politique aussi. Pour être plus précis, cela déverrouille du côté DRS mais rien ne permet de dire qu’il n’y aura pas un verrouillage du côté de l’administration en lieu et place. A titre d’illustration, pourquoi le parti de Sid Ahmed Ghozali n’a pas été agréé? Et aux futures élections, tout citoyen pourra-t-il candidater ou faudra-t-il qu’il soit au préalable approuvé l’Etat?

    Enfin, quand Amar Saâdani dit que
    « (..) le pouvoir parallèle ne doit plus exister. Il faut instaurer une République où les institutions travaillent dans le cadre arrêté par la Constitution et non en dehors de ce cercle, »
    cela ne peut que soulever l’approbation de beaucoup de monde. Mais il faut bien reconnaître que la majorité est sceptique et demande à juger sur le résultat.

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