Présidentielle #dz2014: les jeux sont (déjà) faits.

Le résultat de la présidentielle du jeudi 17 avril a été acté. Sauf problème de santé de dernière minute, Abdelaziz Bouteflika étrennera bel et bien un quatrième mandat à 77 ans. Tout s’est finalement décidé la semaine dernière. Après un dernier accès de fièvre entre des composantes concurrentes du Pouvoir algérien.

Boutef_Mouradia

Légende: Bouteflika dans son palais d’El Mouradia. Au cours de sa traversée du désert dans les années 80 et 90, on rapporte qu’il avait eu ces propos: « rester au pouvoir, ce n’est pas le plus difficile. Le plus dur c’est d’y arriver. »

Ces quatre derniers mois, après une amélioration perceptible de son état de santé suite à son accident vasculaire, l’état physique d’Abdelaziz Bouteflina a accusé une stagnation visible pour ne pas dire une régression. Ses dernières apparitions muettes sur la TV montrent un homme assez éreinté. La question de l’après-Bouteflika est en débat au sein du pouvoir. Qui choisir comme successeur pour ne pas bousculer le statu quo du partage de la rente ? Dans cette optique, beaucoup de ballons sonde ont alors été lancés au cours de ces derniers mois. Histoire de tester les réactions des différents acteurs et/ou facteurs intervenant dans le choix du futur président. Et beaucoup de supputations ont aussi été formulées. Ainsi, certains ont affirmé avec vigueur que le mandat actuel de Bouteflika allait être prolongé de deux ans, que la présidentielle 2014 allait être annulée, que les décideurs s’étaient mis d’accord sur la désignation d’Abdelmalek Sellal comme successeur, que le premier flic du pays le général major Abdelghani Hamel était désormais le joker idéal, etc… beaucoup de bruit pour rien.

Clairement, ce qu’on peut diagnostiquer, c’est qu’aucun candidat ne fait actuellement consensus dans les cercles du pouvoir algérien. La fin de mandat arrivant à brève échéance. C’est l’option du « donner du temps au temps » qui a été choisie par défaut. Car basculer dans l’inconnu n’enthousiasme pas vraiment le sérail. Et aux yeux des parrains du régime, il est hors de question de laisser le peuple décider en dernier ressort le 17 avril.

Un débat interne tendu au régime car on a frôlé la cassure. En effet, le timing du séjour médical d’Abdelaziz Bouteflika à l’hôpital du Val de Grâce n’était en rien fortuit. Seul un bras de fer entre les différents groupes de pression pouvait expliquer un tel déplacement.

Quelques jours plus tôt, la presse s’était faite l’écho de tractations entre l’ex-président Liamine Zeroual et de hauts gradés militaires. Un retour en politique soutenu par l’influent ex-Colonel du DRS Mohamed  Chafik Mesbah. Et coïncidence de l’actualité, un autre ex-Colonel du DRS dénommé Chaâbane Boudemagh a annoncé être candidat. Il se veut le Poutine algérien. Avec en filigrane dans son programme, l’expulsion du palais d’El Mouradia de l’oligarchie qui gravite autour de Bouteflika.

Comme par hasard, cette escapade parisienne à quelques jours de la date limite d’annonce de la présidentielle -en langue de bois « convocation du corps électoral« – a mis les responsables militaires au pied du mur. Soit ils acceptaient les conditions des tacticiens chevronnés que sont les frères Bouteflika, soit ils assumaient la rupture.

De toute évidence, sans le soutien réaffirmé des chefs de l’armée, le président actuel aurait alors démissionné. Il s’en serait suivi une période d’intérim assurée par le président du conseil de la nation Abdelkader Bensalah. Un contexte qui aurait vu Abdelmalek Sellal quitter la chefferie du gouvernement afin de se lancer dans la course. L’armée risquait de se diviser derrière plusieurs prétendants dont l’ex-premier ministre Ali Benflis. Une crise potentiellement ouverte aux conséquences imprévisibles.

A situation de crise, réunion de crise. Le lundi 13 janvier, le conclave militaire a eu lieu. La réunion était présidée par le prééminent vice-ministre de la défense et chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah. Y ont assisté les puissant chefs des six régions militaires ainsi que les commandants des forces terrestres, aériennes et navales. Le chef des services secrets le général Mohamed Mediène dit « Toufik«  était-il présent ? Sa participation n’a pas été signalée. La rumeur dit même que sa révocation était à l’ordre du jour. Des décisions inédites de mise à la retraite y ont été prises.  Celle du général Abdelkader Aït Ouarab dit « Hassan« . Chargé du contre-terrorisme, il paie pour le fiasco d’In Amenas. Celle du général « Chafik« , celui qui dirigeait le service des investigations économiques (appelé le SCPJ: voir Structure du DRS volet 1 et volet 2). Celle du Colonel « Fawzi« , celui qui contrôlait la presse et les médias à travers le CCD du DRS. Et surtout celle du numéro 2 du DRS, le général major M’henna Djebbar. Les menaces de ce dernier contre le frère du président étaient même devenus de notoriété publique à Alger. En résumé, les chefs de la cabale anti-Bouteflika ont été écartés des postes à responsabilité. Les opposants au sein du système ont été décapités. Seul subsiste pour le moment à la tête du DRS, un général Toufik diminué, un personnage mystérieux aux prérogatives réduites. Le DRS applique cet ancien adage: plier mais sans rompre.

Le conclave de l’armée a été signalé par la presse sous deux noms différents: commission spéciale de sécurité d’une part et conseil du commandement militaire d’autre part. Mais son bilan peut être résumé en une phrase. La voie est dégagée pour un quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika. Il a carte blanche. Et il donne un quitus subsidiaire rassurant donné à ses proches. Le clan des Bouteflikiens a gagné cette bataille.

Les jeux sont déjà faits. L’élection du 17 avril n’est qu’une mise en scène électorale. Il est à noter que l’actuel mandat présidentiel se termine le 19 avril. Le plus officiellement, il n’y a pas de place pour un deuxième tour. Comme en 2009, l’exécutif n’a même pas maquillé la mascarade en prévoyant un éventuel second tour. Un tour ça suffit! (Et parmi la liste des informations saugrenues de ces dernièrs jours, il y a celle des juristes qui ont officiellement affirmé mordicus que Bouteflika avait jusqu’au 19 janvier pour lancer la procédure électorale. Le délai constitutionnel de 90 jours nous aurait amené au 19 avril pour l’élection, le décompte des voix, l’officialisation des résultats et la cérémonie du serment devant le conseil constitutionnel. Oui tout ça le même jour!).

Le premier ministre Sellal dirige maintenant la commission nationale de préparation de l’élection présidentielle. Il ne sera pas candidat. Au cours de son dernier meeting, il a fait applaudir une salle toute acquise et prête à soutenir le moudjahid vétéran Bouteflika à poursuivre sa mission nationale. Les jeux du 17 avril sont faits. Mais rien ne va déjà plus! Car l’après-Bouteflika est inéluctable. Et le compromis entre les composantes du système est au delà de la ligne d’horizon.

NB: #dz2014 est le hashtag pour suivre la campagne de la présidentielle algérienne sur Twitter.

Baki @7our Mansour

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