Les 4 vérités de Saâdani qui font mal à l’Etat-DRS.

Vilipendé par la presse d’Alger, insulté par des sites électroniques proches de la mouvance ultra-nationaliste, raillé sur les réseaux sociaux, mais rien n’y fait, rien ne le dissuade. L’homme a son propre agenda. Celui d’un véritable politicien, que cela plaise ou non à ses nombreux détracteurs.

Amar_Saâdani

Légende: Le secrétaire général du parti Front de Libération Nationale (FLN) Amar Saâdani est devenu la tête de turc du Département de Renseignement et Sécurité (DRS).

Lors de sa dernière sortie médiatique, Amar Saâdani a choisi le site électronique TSA basé à Paris pour une interview qui a crée l’événement. Par crainte d’une censure ou d’une corruption de ses propos s’il s’était exprimé sur un média d’Alger ?

Des craintes qui ne seraient pas infondées. Beaucoup de journaux et sites d’informations algériens ont ainsi présenté l’interview d’Amar Saâdani par le site TSA comme étant la formulation de « graves accusations contre l’institution du DRS et de son patron Toufik ». Or, les remarques du secrétaire général du parti FLN n’avaient rien de particulièrement sensationnel. Dans l’essentiel de ses propos, le patron du FLN a dit à haute voix ce que la rue algérienne dit à haute voix. Et seuls ceux qui craignent pour leurs intérêts se contentent de penser la même chose tout bas.

1ère vérité. La manipulation par le DRS. Les agissements du DRS dans la classe politique, la presse et la justice sont visibles à l’œil nu. Lorsque Saâdani pointe la manipulation par le DRS de dissidents à l’intérieur des partis politiques; tout cela est de notoriété publique. A commencer par le violent « coup d’état scientifique » ayant écarté Abdelhamid Mehri de la tête du FLN en 1996. Sans oublier l’éviction d’Ali Benflis du FLN en 2004.

MehriCC

Document historique peu connu, la vidéo du discours de Mehri devant le comité central du FLN en mars 1996 demeure particulièrement instructive, et porte des enseignements toujours d’actualité. La voix émue, le défunt Abdelhamid Mehri expliquait comment des parties extérieures au parti (les services du DRS) ont orienté le voté des délégués à la suite de pressions, chantages et menaces. Le coup scientifique n’était rien d’autre qu’un viol des instances d’un parti politique, viol organisé par les services du Pouvoir. Un comportement du DRS que le défunt Mehri avait schématisé par ces propos prophétiques : « le problème est de savoir si ce comportement va se poursuivre à l’avenir ou s’il se termine maintenant. Et je le dis en toute sincérité, ce comportement n’est ni en faveur du pays, ni en faveur du pouvoir et ni en faveur de tout intérêt national. Il détruit mais il est incapable de construire ».

Autre témoignage concordant, celui de l’ancien secrétaire du parti FFS Karim Tabbou en 2009, « le DRS est le plus grand parti politique. Il a une présence massive dans tous les secteurs d’activité. Les services continuent de prendre en otage le jeu politique. »

2ème vérité. Un échec est un échec. Certaines susceptibilités de l’état-DRS ont été vite irritées quand Amar Saâdani a listé quelques échecs des services : « Ce département avait failli dans la protection et la sécurité du président Mohamed Boudiaf » dit-il. Et raison aggravante pourrait-on ajouter, l’assassin de Boudiaf était un agent du DRS. Lembarek Boumaarafi était un membre du GIS (groupe d’intervention spécial). Certains semblent l’avoir oublié!

Saâdani continue : « Il n’a pas su protéger Abdelhak Benhamouda, ni  les  moines de Tibehirine,  ni les bases de  pétrole dans  le sud,  ni les employés des Nations unies en Algérie, ni le Palais du  gouvernement ». Et la dernière phrase du défunt Benhamouda l’ancien patron du syndicat UGTA résonne encore en diapason : « Ils nous ont trahis ».

Le DRS n’a pas protégé des personnalités de premier plan et des lieux ultra-sensibles. L’institution dirigée par le général Toufik a accumulée les défaillances. Le DRS est-il encore un service de renseignement ? Ou n’est-il plus qu’un département d’influence et de manipulation. Tiguentourine en est le révélateur éclatant. Incapables d’empêcher l’attaque des jihadistes de la Katiba de Belmokhtar, les services secrets ont ensuite propagé la rumeur que l’attaque terroriste était une conspiration française. Voilà ce que l’on entend désormais dans les rues algériennes!

3ème vérité. Le recours à la violence politique. A une question de TSA, Amar Saâdani ne cache pas le risque qu’il court à briser un tabou :

– Vous vous attaquez frontalement au Général Toufik. Pourquoi ?
– Je milite pour la séparation des pouvoirs. Pour un État civil. Je dis par contre que si un mal m’arrive, ce sera l’œuvre de Toufik.

Le secrétaire général du parti FLN prend à témoin l’opinion publique. Et la liste des assassinats mystérieux depuis 25 ans lui donne entièrement raison. Comme l’exécution de l’ancien premier ministre Kasdi Merbah par un commando professionnel en août 1993…

4ème vérité. La reddition de comptes. Tout responsable de l’Etat doit pouvoir rendre des comptes, être jugé sur ses actions et résultats. C’est cependant un véritable crime de lèse-majesté pour les thuriféraires du Général Mohamed-Lamine Mediène lorsque le trublion du FLN ajoute : « Cette direction n’a pas su bien protéger le président Bouteflika à  Batna où il avait été la cible d’une tentative d’assassinat. A mon avis, Toufik  aurait dû démissionner après ces échecs ».

C’est l’argument qui fait mal à l’Etat-DRS peu habitué au droit d’inventaire. Le rôle des services secrets dans l’édifice public était jusque là un sujet indiscutable. En demandant la démission du général Toufik pour incompétence, Amar Saâdani crée un précédent inhabituel sur la scène publique d’Alger. Celle de la responsabilisation (accountability en anglais) de décideurs secrets habitués à l’impunité totale.

Cette polémique aurait pu déboucher sur un débat public.  Au lieu de rebondir sur une question pertinente au fond, beaucoup de titres de presse se sont vite drapés de l’habit de protecteurs du DRS. Face à une forme de pensée totalitaire,  Samir Bouakouir du FFS remarque :

« suffit-il de discréditer le personnage (Saâdani) comme le fait la presse privée et nombre de chroniqueurs et éditorialistes, prompts à délivrer des brevets de démocratie, pour réduire la portée de ses propos et surtout leur justesse ? »

En attendant, lorsque l’Etat-DRS se déchaîne contre Saâdani, cela dénote surtout un manque de sérénité pour ne pas dire un signe de panique dans certains cercles du pouvoir. A suivre…

NB: sur l’Etat-DRS ou l’Etat profond chapeauté par le DRS, voir l’article Le point sur la structure actuelle du DRS. Deuxième partie.

Baki @7our Mansour

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4 commentaires pour Les 4 vérités de Saâdani qui font mal à l’Etat-DRS.

  1. Ping : L’empire DRS contre-attaque. | Un regard averti sur l'Algérie et le Monde.

  2. Rani Boudjellil dit :

    Que signifie une 4ème candidature de Bouteflika? Que la proportion d´algériens opportunistes et serviles vient de dépasser le seuil, qui lui permet toutes les aberrations, mêmes les plus farfelues, telle que l´investiture à la magistrature suprême, d´un Monsieur, octogénaire, très malade, inconscient les trois quarts de la journée !

    Que signifie encore une 4ème candidature de Bouteflika?
    Que les hauts fonctionnaires de l´état, honnêtes, capables de barrer la route à ce projet suicidaire, représente désormais une proportion très faible de l´establishment et cette proportion est en dégringolade accélérée et le nombre se rétrécit comme une peau de chagrin!

    Que signifie enfin une 4ème candidature de Bouteflika?
    Que ces politiciens et fonctionnaires véreux seront capables, dans quelques années, instrumentaliser la justice pour innocenter Boumaarafi, lui refaire une virginité, pour lui confier la présidence de l´assemblée nationale et par un concours de circonstances voulues, la fonction présidentielle ! Délire, diriez-vous !? Je prie qu´il ne devienne pas réalitéa!

  3. merouane dit :

    Je suis choquer de la reaction de la presse contre saadani ce que saadani a dit été connue par le peuple serte sans detail mais il a dit juste et avec plein de courage le timing juste qui été malsein

  4. Said Brahim dit :

    Jamais,au grand jamais,Saadani n’aurait énoncé des vérités si ne les lui avait soufflé
    .JAMAIS

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